Publié le

Construire une intention partagée : un guide pour bâtir une démarche collectivement

Propos recueillis par Céline Le Briand auprès d’Angélique Robert et Élise Després

Lorsque des personnes s’associent pour construire ensemble un projet, il est essentiel de définir l’intention partagée de ses membres. Celle-ci peut être considérée comme une philosophie qui guide son travail, qui rappelle ses motivations, et l’aide à rester aligné avec la direction souhaitée. La définition de l’intention partagée peut permettre de créer un premier commun, de (re)donner du sens à un collectif et de définir ce que ce dernier souhaite atteindre ou changer. Dans cet article, nous allons explorer le processus de recherche de l’intention partagée et discuter de ses avantages et de ses limites.

Qu'est-ce que l'intention partagée ?

L’intention partagée raconte ce que le groupe veut faire, ce qu’il veut changer ou faire évoluer, parfois en décrivant avec qui, ou comment. Elle est construite collectivement en groupe. Elle est essentielle pour définir les motivations et les objectifs d’un projet de manière commune et partagée. Plutôt qu’une simple direction ou une finalité opérationnelle, elle offre une stratégie ou une philosophie commune qui permet de guider le groupe vers un but commun.

Phrase pour résumer l’intention partagée

Comment la définir lors d’un travail de groupe ?

Le processus de recherche de l’intention partagée permet de transformer des représentations individuelles en une intention collective. Il n’y a pas de méthode unique pour la définir. Selon le groupe, le temps disponible, la coloration de la pratique de la personne qui accompagne, une multitude de voies sont possibles.

Voici une méthode abordable en plusieurs étapes, certaines peuvent être plus longues que d’autres et précédées de temps d’inspiration, comme par exemple une narration qui permet aux participants de se projeter dans un futur plus ou moins proche.

1 Proposer aux participants un temps de réflexion individuelle, en s’interrogeant sur ce que le projet représente pour lui, de quoi il est fait, ce qu’il ferait qu’il soit réussi ;

2 Les participants partagent leurs représentations individuelles. Par exemple en posant les mots au mur et en regroupant les idées qui sont proches. Ainsi, ce qui fait sens commun et les singularités apparaissent ;

3 L’esprit nourri de la séance précédente, chaque participant est invité à compléter ou écrire une phrase individuellement qui peut commencer par « Nous aimerions que… », « Ce que nous cherchons à faire ensemble c’est… », ou « Le pari commun serait de… » ;

4  Proposer aux participants de se réunir à 2 ou 3 pour échanger sur leur phrase et en composer une autre ;

5 Un groupe propose de partager la phrase qu’il a écrite ;

6 À partir de la phrase proposée et en s’appuyant sur la phrase qu’ils ont construite, les participants proposent des modifications. (Par exemple : dans notre groupe la notion d’artistique est apparue comme importante, je propose de l’inclure à cet endroit de la phrase, ou je propose de remplacer “pour toutes et tous” par “pour chacune et chacun”, etc.) La phrase se décompose et se recompose ainsi collectivement.

*L’étape 4 peut être supprimée dans ce cas ; la proposition de phrase est faite par une personne.

L’intention partagée peut être rappelée en début de rencontres ou à différentes phases d’un projet pour se remettre en mémoire, se réaligner avec la motivation première du groupe. Pour rendre visible cette intention, pour pouvoir s’y référer en cas de besoin, il est possible de l’afficher ou de l’écrire en grand.

Étape de mise en commun des idées lors d’une recherche d’intention partagée

Quelles sont les limites à ce processus et comment y remédier ?

Bien que la recherche de l’intention partagée puisse offrir de nombreux avantages, elle présente également certaines limites. Par exemple, lors de l’exercice en groupe, certains membres peuvent avoir du mal à émettre des critiques constructives ou peuvent éprouver une certaine lassitude face à cet exercice, parfois long, de construction collective.

Ce travail demande, à la personne qui facilite, une grande attention envers le groupe et chaque individu. Un environnement de travail convivial et détendu est un réel soutien pour les participants. La personne qui accompagne le processus se focalise sur sa posture d’accompagnement, soutient la construction commune en veillant au partage de la parole, à l’écoute et au partage de ce qui fait sens ou pas par les individus en émettant de nouvelles propositions. Elle se concentre sur le processus de construction collective plutôt que sur le résultat.

L’intention partagée peut-elle évoluer ?

L’intention partagée peut évoluer, car elle émane d’un environnement vivant – d’autres personnes peuvent rejoindre un projet de groupe par exemple. Il est possible de demander aux nouveaux arrivants leurs avis, sans changer de guide trop souvent, au risque de se perdre. Enfin, elle peut avoir été mal définie si des intentions individuelles sont restées cachées : il est important de créer le cadre où il est possible de bien identifier et de partager les intentions individuelles.

Document de travail de groupe

L’expérience du Ti Lab avec le témoignage d’Elise Després

Angélique a accompagné l’équipe du Ti Lab pour imaginer les évolutions du laboratoire dans les années à venir, en collaboration avec sa communauté. Au démarrage du projet, elle a proposé à Elise et Benoît, responsables du Ti Lab, de définir leur première intention afin de la partager par la suite aux premiers collaborateurs.

L’expérience a été très enrichissante pour l’équipe, car elle est venue après une première phase de débroussaillage. Cela a notamment permis à Elise de comprendre la conception de son collègue qui avait imaginé le projet avant son arrivée. Il était important de formaliser et de partager leurs visions pour construire ensemble, s’approprier le projet et s’impliquer davantage.

Le processus s’est déroulé de manière fluide, bien qu’il ne soit pas aussi simple qu’il n’y paraît : se mettre d’accord sur les termes, point de vue changeant, laisser la place à Angélique sans qu’elle n’interfère dans l’échange, etc. L’équipe essaie maintenant de reproduire ce démarrage à chaque étape, même pour les plus petits projets, pour partir sur de bonnes bases.

Cette approche a permis de rendre l’intention intelligible et de clarifier les choses pour les deux protagonistes. Elle a également permis d’ouvrir le projet aux questions des autres personnes impliquées par la suite. L’intention pourra être utilisée tout au long du projet pour  que tout le monde puisse avoir le même guide Cette expérience de travail sur l’intention est devenue une habitude pour l’équipe. C’est tellement pertinent et concret que cela est devenu un ingrédient de base essentiel et un incontournable !

S’offrir ce temps à la base de chaque projet est une sorte de beau cadeau qui permet de remettre en perspective une intuition sans partir bille en tête. Ce travail collectif est hyper fondateur, car il permet à chacun de partir sur un pied d’égalité et de se sentir légitime.

 

Cette première intention a été par la suite retravaillée quand d’autres membres de la communauté du laboratoire ont rejoint le projet.

Recherche de l’intention partagée