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Une journée participative pour définir ensemble les usages d’un tiers-lieu en devenir

Qui ?

La commune de Plaine Haute avec des bénévoles de la bibliothèque, des membres du conseil municipal dont le maire et des habitants, accompagnés par Sabine Zadrozynski et Angélique Robert

Enjeux

Concevoir un format qui invite les habitants à participer et à s'engager

Quand ?

11 décembre 2021

Je développe

La recherche d'un format et de dispositifs permettant de participer même si peu de temps, sans lire, sans écrire, avec le corps et la coopération

Comment définir collectivement, et bien en amont, les futurs usages d’un tiers-lieu ?

C’est le défi relevé par la commune de Plaine Haute courant décembre 2021. Le souhait des habitants ? Réhabiliter l’ancienne école en un lieu pour toutes et tous où pourrait déménager la bibliothèque, de manière à ce qu’un maximum de personnes s’implique dans le projet et trouve leur place dans le futur lieu. Voici le déroulé de la préparation et des actions mises en place pour donner la parole à tous les futurs usagers de ce tiers-lieu en devenir.

 

Les préparatifs : assurer une co-construction fructueuse

 

Afin d’optimiser au maximum cette journée de co-construction du plan d’usage avec les habitants, le collectif de Plaine-Haute a préparé judicieusement le terrain en amont.

Plusieurs semaines avant la kermesse (format de la journée décrit en fin d’article), ils ont invité les autres habitants à venir nombreux contribuer à l’élaboration de leur future bibliothèque.

Le collectif a donc identifié les lieux stratégiques du village où il était possible d’échanger avec les habitants. Ainsi, entre la mi-septembre et la fin novembre, ils sont entrés en discussion avec les habitants, questionnant leurs besoins et leurs envies concernant le nouveau lieu. Lors d’un événement du club des aînés, dans la file d’attente de la mairie ou de la boulangerie, à la sortie de l’école et de la garderie, dans la bibliothèque actuelle : rien n’a été laissé au hasard.

Ces rencontres actives et ciblées avec la population a permis de contacter près de 429 personnes sur les 1600 habitants que compte la commune. Ces préparatifs ont grandement contribué au succès de la kermesse, relaté ci-dessous.

Inviter à contribuer, depuis plusieurs mois le collectif a rencontré les habitantes et les habitants pour entamer la conversation et inviter à la poursuivre le 11 décembre lors d’une journée collective.

La journée de co-construction du nouveau lieu

Mise en place des dispositifs

 

Six dispositifs ont ainsi été préparés, répartis à différents endroits dans le futur lieu, pour que chaque participant puisse contribuer, à son échelle et avec ses moyens.

 

 

Penser un accueil invitant à participer

L’accueil a été particulièrement travaillé pour que, dès les premiers instants, les habitants soient invités à contribuer. Chaque personne était reçue individuellement par deux membres du collectif. Le nouvel arrivant est alors invité à indiquer sur une carte de la commune, à l’aide d’une punaise et d’un fil de laine, son point de départ et son parcours pour venir jusqu’à la bibliothèque. Une façon ludique de rentrer dans l’énergie de la journée, de parler de soi et d’obtenir des éléments importants pour la suite de l’élaboration du projet.

Usages sur pastilles

Des pastilles rondes indiquaient différents usages possibles dans une bibliothèque : lire, discuter, prendre un café, travailler seul ou en groupe, etc. Certaines pastilles restaient vierges pour recueillir d’autres idées. Les visiteurs pouvaient déplacer ces étiquettes dans le lieu destiné à être réhabilité, et les disposer à l’endroit qui leur semblait le plus adéquat pour l’usage associé. Ce dispositif leur a permis de se projeter dans l’espace, à l’intérieur comme à l’extérieur du bâtiment.

Photothèque et matériauthèque

Les habitants présents ont donc sélectionné les éléments qu’ils souhaitaient retrouver dans la future bibliothèque. Ce dispositif a permis de révéler les grandes tendances en termes d’ambiance, de couleurs et de matériaux pour la rénovation à venir. Chaque personne, à l’issue de ce choix, est invitée à dire quelques mots en laissant son prénom et son âge, pour voir si des éléments ressortent selon les catégories de population.

 

Etudier le parcours des usagers dans le lieux

Parcours usager

 

Il était possible de répondre à différentes questions à l’aide de post-its à coller sur un mur. Ce dernier était recouvert de papier kraft et divisé en plusieurs colonnes, chacune correspondant à une question :

  • Comment connaissez-vous le lieu ?
  • Avez-vous trouvé le lieu simplement ?
  • Par quel moyen êtes-vous venu ?
  • Est-ce que c’était facile de venir ? D’accéder au lieu, de se garer en voiture ou en vélo, etc.
  • Êtes-vous venu ou seriez-vous amené à venir avec un objet encombrant, poussette, trottinette, un gros sac à dos ? Si oui, où aimeriez-vous le laisser ?
  • Pour vous, est-ce que le lieu aurait une seule entrée ? Dans ce cas, laquelle ?
  • De quoi auriez-vous besoin dans ce lieu ?
  • Si vous y restiez 10 minutes ? 2 heures ? une demi-journée ? une journée ?

Les réponses ont permis de comprendre comment améliorer le parcours des usagers, ce qu’ils ont besoin de trouver dans ce nouveau lieu.

Narration et maquette sur plan

Maquette 3D Playmobil®, Lego® et pâte à modeler

 

Pour inspirer les gens, une histoire était racontée avec un kamishibaï avant l’atelier. Un plan en trois dimensions a donc émergé grâce à cette expérience collective.

Faire émerger les usages

Marelle

Inventée pour l’occasion, une marelle en extérieur, représentant le nouveau lieu, a mis en évidence les besoins des habitants. Elle a permis aussi de mener des tests et de révéler d’éventuels conflits d’usages. La marelle était constituée de neuf cases avec des besoins identifiés : rencontrer des gens, calme, se mettre à l’abri, célébrer, etc. Tandis qu’une personne racontait un événement type, les autres étaient répartis autour de la marelle et écoutaient. Les participants ont donc été projetés dans une journée type dans le nouveau lieu, en se plaçant sur la case correspondante pour eux.

Matin : test des dispositifs

 

La journée de la kermesse était divisée en deux parties. Le matin, des complices ont été invités à tester les différents dispositifs. Cela a permis au collectif organisateur d’ajuster les ateliers au besoin et de trouver la posture idéale pour accueillir les visiteurs l’après-midi.

 

La kermesse : la co-construction en action

 

Entre 14h et 17h, ce sont 90 personnes, âgées entre 3 et 90 ans, qui sont venues participer à l’élaboration collective du plan d’usage de la future bibliothèque de Plaine-Haute. Les invitations répétées en amont de la journée et l’accueil minutieusement travaillé sont les éléments qui ont contribué majoritairement au succès de cette journée participative. Le fonctionnement de celle-ci a également été décisif : tout était pensé pour participer selon les possibilités et les besoins de chaque individu. Ainsi, il était possible de participer à un atelier comme à l’ensemble de la kermesse, de rester quelques minutes comme tout l’après-midi.

Tous les dispositifs ont permis de co-construire le plan d’usage. Le succès est tel que le traitement des données a nécessité plusieurs jours. Le lien à la nature et au vivant est très présent dans les avis des participants. Une attention particulière a donc été portée sur l’utilisation de matériaux naturels (bois, laine et liège). L’ambiance générale était très festive, marquée notamment par des ballons, de la musique, des discours adaptés pour les adultes comme pour les enfants, et des personnes présentes aux ateliers pour faciliter l’accès à tous (pour écrire à la place des visiteurs par exemple).

D’autre part, l’énergie captée pendant l’expérience a ouvert de nouvelles perspectives. Par exemple, des usagers ont relaté leurs souvenirs et leur attachement au lieu précédent (ancienne école). Ces témoignages ont permis d’imaginer un espace à l’entrée du bâtiment pour parler du premier lieu.

L’équipe qui a organisé la journée durant des mois en est sortie très soudée, avec des nouveaux membres parmi lesquels des complices du matin, restés jusqu’au débriefing. L’appréhension du départ retombée, chacun a apprécié l’ouverture et l’agrandissement de la communauté.

Retour critique sur la kermesse comme moyen de co-construction

 

Au départ, deux solutions ont été proposées au collectif d’habitants pour envisager la création du plan d’usage de la future bibliothèque avec la population locale

 

Le remix

 

Dans ce procédé, des personnes d’horizons différents sont invitées à travailler ensemble pendant une journée. Designers, artistes, spécialistes de la thématique centrale (dans le cas présent, bibliothécaires, gérants de lieux culturels) : tous se retrouvent pour échanger et faire émerger des solutions à l’issue de cette unique date.

Le principe du remix est édifiant car il assure une participation de spécialistes de la question traitée, inscrits en amont.

Mais il présente également des contraintes. Cela demande de réunir toutes les forces vives une même journée, durant laquelle il y a peu de répit. De plus, dans le cas de Plaine-Haute, le remix n’était pas la solution la plus adaptée car l’un des objectifs principaux du collectif était d’encourager la participation d’un large panel de la population de la commune. Or, il est très difficile d’inclure une mixité des publics dans ce type de travail (par exemple, des enfants de maternelles avec des personnes âgées, pour ne citer qu’eux).

 

La kermesse

 

C’est donc ce second format qui a été retenu ici. Cette solution, nommée « kermesse » en interne, est un ensemble de propositions pouvant faire appel aux capacités de chacun. Cela permet donc qu’une majorité de personnes puisse s’exprimer et participer.

Mais impossible dans ce cas de gérer des inscriptions. Des réticences ont très tôt été émises par des membres du collectif porteur du projet : « Le risque existe que personne ne réponde à l’appel. En tant que bénévole, je ne me sens pas de m’impliquer autant dans ces conditions ».

Mis à part la marelle, ce format n’a pas réellement permis de confronter les idées des participants. C’était plutôt une méthode de collectage des tendances et des envies. Pour faire émerger de nouvelles idées et utiliser l’intelligence collective au sens premier, la kermesse constitue une première étape intéressante avant un format plus engageant comme un remix. Il serait constructif d’élaborer un format hybride « kermesse-remix », où il serait proposé des ateliers réguliers de deux à trois heures maximum, pour permettre aux personnes disposant d’une capacité plus limitée de participer à des formats intensifs de 1, 2 voire 3 jours.

D’autre part, peu d’adolescents ont contribué. Ils étaient peu ciblés dans la première phase et c’est sans surprise qu’ils n’étaient pas présents lors de cette journée. Il reste du temps pour imaginer d’autres façons de les inviter à participer.

Une journée participative et festive !

Vous souhaitez en savoir plus sur cette démarche ?

Retrouvez ici prochainement la démarche documenté en partenariat avec Ti Lab.

Consulter l’article sur plan d’usage du lieu

Retrouvez l’ambiance de la journée en vidéo.

 

Propos recueillis par Céline Le Briand auprès d’Angélique Robert